Les erreurs classiques d’un discours de vente
En 1954, Raymond (ou Ray pour les intimes) essayait de vendre des machines à milkshake dans le Missouri Il passait d’un restaurant à l’autre. Knock, knock, knock. Planté face à chaque restaurateur, Raymond déclamait toujours le même discours.
Les discours, les mots de Raymond, étaient toujours les mêmes, peu importe le restaurateur, peu importe l’histoire du restaurant, peu importe le lieu.
« Si vous achetez ma machine à milkshake, 5 broches, au moteur électrique breveté, vous décuplerez votre production de délicieux milkshake. Et vite, croyez-moi ! ».
Les portes se refermaient sur lui, les occasions se manquaient, Raymond essuyait échec sur échec.
Mais un jour, en passant devant un énième restaurant, il eut le coup de foudre. Il tomba sur un lieu comme il n’en avait jamais vu auparavant. Un restaurant rapide, aux burgers délicieux, qui réunissait aussi bien les familles, les cadres supérieurs ou les travailleurs. Ce petit restaurant local s’appelait McDonald’s.
Vous l’avez deviné, c’est l’histoire du fulgurant succès de McDonald’s, qui est racontée dans le film The Founder. Plus question ensuite pour Raymond de vendre des milkshakes. Il réussit, grâce à une prise de parole mémorable, à convaincre les frères McDonald de le laisser développer et franchiser leur petit restaurant. C’est le début d’un empire : aujourd’hui, McDonald’s génère plus de 21 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
Il est passionnant d’observer l’évolution des prises de parole de Raymond dans le film. Que nous apprennent-elles ?
3 erreurs sont commises dans son discours de vente
- Ses prises de parole sont identiques, peu importe l’interlocuteur.
- Ses prises de parole sont techniques, il parle de : « moteur breveté », « 5 broches », et de « production décuplée ».
- Ses prises de parole ne racontent aucune histoire sur la boisson du milkshake et ses effets sur le consommateur.
Erreur 1 – Ne pas adapter son discours à l’audience
Un discours qui vise à convaincre une audience doit systématiquement prendre en compte… l’audience ! Une prise de parole n’est pas un monologue, c’est une prise de parole en « public ». Et qui dit public, dit personnes, individus, êtres humains.
Avant de se lancer dans la structure du discours, l’interlocuteur doit être la première de nos préoccupations.
Voici les deux questions de base mais essentielles à se poser :
- Qui est l’audience ? (combien sont-ils, quels sont les profils, les métiers…)
- Quel est leur niveau d’expertise sur mon sujet ? (sont-ils des experts de mon sujet ou non ?)
La réponse à cette dernière question aura des conséquences sur le choix des exemples et sur le degré d’informations intégrées au discours (plus ou moins techniques).
Pour aller plus loin, voici les questions qui feront décoller votre prise de parole :
- Quels sont les a priori de mon audience sur moi ?
- Quelle transformation je souhaite provoquer chez l’audience ?
- Six mois ont passé, de quoi se souvient mon audience en repensant à mon discours ?
Cela vous paraît évident ? Mais oublier l’audience n’arrive pas qu’à notre cher Raymond. Combien de fois vois-je des orateurs préparer des slides pour présenter un projet, et les dégainer à chaque occasion ? Quels que soient l’audience et le contexte.
L’audience change mais la présentation, elle, ne change pas.
Erreur 2 – Parler de la technicité de son produit.
C’est souvent l’erreur commise par le profil de l’ingénieur. Vous êtes fier de votre produit. Quoi de plus tentant que de parler de la technologie et des fonctionnalités pendant des heures 🙂
Prenons l’exemple de la marque Peugeot.
Pour parler de la technologie du nouveau SUV Peugeot, un vendeur passionné pourrait avoir la tentation de décrire le système de radar implanté au centre du pare-chocs avant et de la caméra située en haut du pare-brise…
Mais un bon vendeur se concentrera sur les résultats et non sur la technologie en elle-même en disant par exemple : « Vous pouvez conduire votre voiture de façon semi-autonome. Le régulateur de vitesse s’adapte automatiquement à la vitesse du véhicule qui vous précède. »
Par contre, si le vendeur a fait l’exercice numéro 1 et qu’il détecte chez un client un profil ingénieur, il pourra rentrer dans le détail de la technologie et parler radar à foison…
Erreur 3 – Ne pas raconter d’histoire.
Si vous avez vu le film The Founder, la transformation des prises de parole de Ray est éclatante. Voici le discours de Raymond, pour convaincre les frères McDonald’s de franchiser leur restaurant :
« Franchisez ! C’est trop beau pour se contenter d’être un restaurant isolé. Il faut s’implanter partout. D’Est en Ouest, d’un océan à l’autre.
Hey, je dois vous faire un aveu. Je n’avais pas de rendez-vous en Californie, je suis venu pour vous voir, vous. J’étais à Saint-Louis, Missouri, pour voir des clients, et j’ai déplié ma carte routière. Sur la carte, mon doigt a filé le long de l’autoroute vers l’ouest. La route 66 ! Et mon petit doigt m’a dit de suivre cette voie. Jusqu’où ? Jusqu’ici ! Jusqu’à cet incroyable établissement. Il m’a suffi de voir la file d’attente, de voir les cuisines et de goûter, pour savoir quoi faire. Franchisez ! Faites-le pour le pays ! Vous ne voulez pas franchiser pour vous, d’accord. Mais faites-le pour le pays. Pour l’Amérique. J’en ai traversé des villes, grandes et petites. Elles ont deux choses en commun. Le tribunal et l’église. En haut de l’église, il y a une croix. En haut du tribunal, un drapeau. Drapeaux, croix. Croix, drapeaux. Au risque de blasphémer, et vous m’excuserez, mais vos arches dorées sont comme ces bâtiments. Ces bâtiments surmontés d’une croix sont des lieux de rassemblement ou de braves gens viennent pour partager des valeurs, protégés par ce drapeau américain. On pourrait envisager que ce beau restaurant McDonald’s, encadré par ces arches, représente la même chose. Il ne promet pas que des hamburgers délicieux. Il représente la famille, la communauté. Les Américains viennent là pour rompre le pain. Je vous le dis… McDonald’s peut devenir la nouvelle église américaine. Qui nourrira les corps et qui nourrira les âmes. Et les amis, ce ne sera pas uniquement ouvert, ce sera ouvert 7 jours sur 7.
(silence).
Croix, Drapeaux, Arches. »
Ici, Raymond ne parle pas du goût des burgers, des commandes servies en 30 secondes ou de la carte limitée aux prix imbattables.
Il commence son discours en se mettant à nu et en partageant son histoire personnelle. Il raconte les centaines de kilomètres parcourus pour venir voir de ses propres yeux le restaurant McDonald’s. Il parle de ses émotions et de son intuition : « Et mon petit doigt m’a dit de suivre cette voie ».
Il continue en racontant l’histoire avec un grand H qu’il imagine pour ce restaurant, qui dépasse la fonction première. McDonald’s ne sera pas un lieu banal qui délivre des repas. McDonald’s incarnera un symbole pour l’Amérique : un lieu de rencontre et de retrouvailles pour toutes les familles américaines du pays.